La violence conjugale a un impact direct sur la femme qui la subit mais on oublie souvent que cette violence est aussi une forme de maltraitance pour l’enfant. L’enfant exposé aux violences dans le couple est un enfant à risque.
Quelles sont les conséquences de la violence sur l’enfant et sur sa mère ?
Dans mon article précédent, sur la violence dans le couple, je vous ai expliqué ce qu’était la violence et vous ai donné des repères pour en connaître les différentes formes et comprendre le cycle pervers qui se met à chaque fois en œuvre quand elle opère au sein du couple ou de la famille. Je vous ai également donné des pistes pour en sortir car la violence est inacceptable.
La violence est punie par la loi car elle est destructrice et occasionne des dégâts importants chez les personnes qui la subissent, à savoir, le plus souvent, la femme et les enfants du couple. On parle alors de violences intrafamiliales et de dégâts collatéraux.
Quelles sont les conséquences de la violence conjugale sur la femme victime ?
Au fil du temps, l’emprise du conjoint agresseur sur sa partenaire devient de plus en plus forte, les crises répétées, et les périodes de rémission, de plus en plus courtes. Lafemme est exposée quotidiennement au mépris, au contrôle et aux agressions, vivant dans la peur et l’insécurité, devant s’ajuster en permanence aux besoins de son conjoint qui la considère comme un objet dont il est propriétaire.
Des conséquences physiques et psychosomatiques
La femme ressent très souvent, et de façon chronique, des douleurs abdominales, thoraciques ou pelviennes,des troubles de la digestion, du sommeil, des maux de tête, des maux de ventre, de dos, des douleurs musculaires, des palpitations et une fatigue permanente.
La femme victime de violence développe souvent des problèmes d’ordre gynécologique relatifs aux violences sexuelles dont elle peut également faire l’objet. C’est ainsi que l’on pourra observer chez elle, des mycoses, des endométrioses, des fausse-couches ou des IVG. On remarque également une augmentation des agressions lorsque la femme est enceinte car l’homme se sent alors privé de l’exclusivité et sent sa proie lui échapper, le bébé vient, en effet, menacer la fusion du couple.
Des conséquences morales et psychiques
Si les effets sur la santé physique des femmes sont les plus visibles, les conséquences les plus profondes et les plus durables se manifestent sur le plan de la santé mentale.
On observe souvent des manifestations anxieuses, dépressives, phobiques et des signes « d’auto négligence ».
Il n’est pas rare, suite aux mauvais traitements qu’elle subit, que la femme sombre également dans l’alcoolisme ou dans la surconsommation de médicaments, pour pouvoir supporter l’insupportable. Cela lui permet une sorte « d’anesthésie psychique » qui atténuera provisoirement sa souffrance de façon illusoire et mettra malheureusement encore davantage en danger sa santé et celle de ses enfants. Le retour à la réalité pourra être très violent et provoquer des idées suicidaires, voire des passages à l’acte.
Des conséquences psychologiques
Plus les cycles de violence conjugale se répètent, plus la femme se perçoit elle-même comme incompétente dans sa vie de femme, d’épouse et de mère et plus, paradoxalement, elle se sent responsable de la violence de son conjoint.
Plus les cycles se répètent, plus elle se dévalorise et se culpabilise. La violence verbale de la part de son compagnon va l’atteindre profondément et remettre en cause ses qualités et ses compétences, elle va se déprécier chaque jour davantage et s’isoler.
Plus les cycles se répètent plus la femme victime doute d’elle-même, rentre dans la confusion, se demandant même si elle n’est pas folle. Plus elle doute et s’enferme dans la honte et le silence et plus son estime d’elle-même et sa confiance en elle se détruisent. Elle s’enferme dans une grande détresse intérieure et affective.
Comment en sortir ?
Si vous êtes victime de violence : Faites-vous aider. Vous ne pouvez pas vous en sortir toute seule car vous êtes sous l’emprise d’un pervers dominant. Vous trouverez toutes les démarches pour vous aider sur ce même site, dans mon article « La violence conjugale, comment en sortir ? ». Vous êtes en danger. Sachez que vous n’êtes pas seule et qu’il existe des lieux et des personnes ressource formées pour vous accueillir, vous écouter et vous guider. C’est très difficile pour vous mais si important ! Si vous lisez cet article cela signifie que vous prenez conscience de ce que vous subissez, alors bravo pour ce premier pas vers un changement possible ! Je vous souhaite plein de courage pour faire ce deuxième petit pas, vous ne méritez pas ce que vous subissez : sortez du silence, faites-vous aider !
Quelles sont les conséquences de la violence conjugale sur les enfants ?
Bien que la violence conjugale ne soit pas forcément directement subie par les enfants puisqu’elle s’exerce entre les deux personnes du couple, les conséquences seront multiples et graves car les enfants la subissent malgré tout. On peut comparer cela à une « violence passive », comme pour les enfants d’un couple fumeur. Les enfants sont en effet baignés dans un climat toxique permanent, ils en sont donc les témoins et cela va s’inscrire en eux, causant des troubles psychologiques importants qui les empêchent de se construire normalement. Il faut par ailleurs noter que 40% des enfants témoins seraient malheureusement victimes eux-mêmes de violences.
Impact avant la naissance : le risque de fausse-couche est important et le poids du bébé risque d’être beaucoup plus faible à la naissance, ce qui pourra provoquer des complications.
Impact dès la naissance sur le bébé : le bébé est plus fragile et insécurisé par ce qu’il entend : bruits forts, images visuelles agressives, y compris s’il n’est pas dans la pièce où se passe la violence. Il ressent profondément cette violence, on peut parler de détresse, de peur et d’insécurité. Le bébé développe alors des troubles de l’alimentation et du sommeil, pleure très souvent de façon inexpliquée, et présente des troubles dépressifs et psychosomatiques.
Impact de 2 à 4 ans : L’enfant présente des troubles psychosomatiques comme l’asthme ou l’eczéma, une grande irritabilité et ne supporte pas la frustration. Le faible niveau de tolérance à la frustration de la part de l’agresseur l’empêche, en effet, d’apprendre la patience. De la même façon, comme il observe des modèles inadaptés de gestion de la colère, il intègre des modèles violents pour résoudre les conflits.
Il présente des troubles du sommeil, de l’alimentation, des difficultés de propreté et des difficultés de séparation (agressivité ou timidité exagérées), recherchant la sécurité de façon vitale. Il a également du mal à se concentrer et a des difficultés pour suivre une consigne simple. Son regard devient fuyant, il se replie sur lui-même et commence à culpabiliser.
Impact de 5 à 11 ans : Les difficultés d’apprentissage s’installent. Les colères et l’agressivité sont très fréquentes et augmentent en intensité. Les troubles du sommeil persistent ainsi que les troubles de l’alimentation. En effet, comme les crises de violence ont souvent lieu au moment des repas, cela provoque nausées, maux de ventres, voire vomissements.
Par ailleurs, l’enfant est de plus conscient de la peur de sa mère qu’il ressent fortement. Il commence également à ressentir de la gêne et de la honte par rapport à elle ou aux amis.et il a tendance à se couper des autres.
Impact de 12 à 14 ans : Ce sont les mêmes symptômes qu’à la période précédente avec plus de brutalité, plus d’absentéisme scolaire, plus d’insultes et de propos sexistes ou grossiers. Il peut intervenir de façon directe dans les violences, soit en participant pour soutenir l’auteur ou en se plaçant en défenseur pour soutenir sa mère.
Impact de 15 à 18 ans : Les actes agressifs envers lui-même ou envers les autres se multiplient. Le jeune n’hésite pas à se mettre en danger pour protéger sa mère. Il se sent obligé de rester à la maison pour veiller sur elle et son absentéisme le met en échec scolaire. Il rentre dans des comportements à risques : addictions, petits délits, bagarres. Il reproduit à la maison et à l’extérieur la violence qu’il a toujours eu comme modèle, il s’identifie à elle et adopte un mode agressif permanent où il tient des propos sexistes. Cette violence s’exerce aussi contre sa mère à qui il en veut de subir sans réagir. Il se révolte, ne veut pas la même vie, ne comprend pas sa mère.
60% des enfants peuvent également présenter des symptômes post-traumatiques : par exemple des symptômes de reviviscence, comme les cauchemars (images et souvenirs marquants qui reviennent en boucle), des symptômes d’évitement (ils cherchent à oublier), ou des symptômes d’activation neuro végétative (effets non contrôlés).
De même, les enfants auront de grosses difficultés à identifier leurs émotions et à les gérer, ils iront parfois jusqu’à s’en couper totalement pour éviter de ressentir la peur, la colère ou la tristesse.
Nous voyons à quel point les enfants qui vivent dans un milieu familial violent sont impactés, bien que, pour eux, cela soit « normal » puisqu’ils n’ont pas toujours pu observer d’autres exemples pour se rendre compte et comparer. Ils sont par ailleurs tenus « au secret », avec des stratégies malsaines pour le conserver, comme la menace, la culpabilisation, le mensonge …C’est comme un pacte de loyauté, rien ne doit se savoir à l’extérieur et la famille se replie sur elle-même.
Pourtant, il est fondamental que l’enfant sache qu’il peut s’épanouir dans un contexte de sécurité et que d’autres modèles non-violents et égalitaires existent dans les relations avec autrui.
Comment protéger les enfants victimes de la violence conjugale?
Les enfants sont donc en danger mais des solutions souvent méconnues de la part des mères victimes de violence existent et sont possibles pour les protéger. On peut mettre en place, par exemple, du soutien régulier éducatif, parental et psychologique, proposer un nouvel hébergement, isoler le conjoint toxique avec des précautions judiciaires. Chaque cas pourra être étudié et des solutions cherchées avec la femme et les différents acteurs de changement.
Si vous avez des enfants et que vous êtes victime de violence :
N’hésitez-pas, malgré votre peur, à composer le numéro national 119 (Enfance en danger), c’est un numéro anonyme et gratuit 24h/24, on peut appeler d’une cabine, sans carte, sans pièce et rien n’apparaîtra sur les factures. C’est toute une équipe de professionnels à votre écoute qui a l’habitude des cas de maltraitance et vous pourrez exprimer votre souffrance, vos peurs et poser vos questions pour obtenir des réponses concrètes, des aides et du soutien. Faites le pas !
Vous pouvez aussi trouver d’autres pistes complémentaires de soutien, lieux et personnes ressource, en lisant mon article « Violence conjugale, comment en sortir ? ».
Vous pouvez vous adresser à votre mairie, au SAS, Secteur d’Action Sociale, au Centre de Planification, à la PMI, Protection Maternelle Infantile, où vous serez mis en relation avec les professionnels concernés, comme l’assistante sociale, par exemple, qui étudiera avec vous la meilleure façon de vous accompagner concrètement et vous informera de vos droits.
En dépit de vos peurs qui sont naturelles et légitimes, sachez que tous ces professionnels vont agir pour vous aider, dans l’intérêt de vos enfants qui ont besoin d’être protégés. Ils savent, en particulier, que vos enfants ont besoin de vous et feront tout ce qui est possible pour que vous restiez ensemble.Ils sauront vous rassurer, restaurer petit à petit votre estime de vous même et vous consolidez dans votre rôle éducatif.
La violence est une atteinte à l’intégrité des personnes qui en sont victimes. C’est un mécanisme pervers et toxique puni par la loi car destructeur. Il faut absolument y mettre fin et vous faire aider pour cela, pour vous-même et pour vos enfants. Ils en ont besoin et vous aussi. Vous le valez vraiment, soyez-en certaine ! Il est possible d’en sortir. Faites le pas, sortez du silence…